Portraits acides de la trentaine à la quarantaine

Ce fut un plaisir de retrouver dans le Off d’Avignon 2017 l’écriture jouissive de Pauline Sales, dans deux pièces très réussies : Le Groenland (2003) et J’ai bien fait (2017).

Le Groenland
Un beau portrait d’une mère qui « fait mal semblant d’aller bien », pas surmenée, mais « sous-menée », à l’étroit dans ce qui devrait la définir, la retenir.
Pourquoi ne pas aller au Groenland, tout de suite ? Abandonner sa fille, ou pas ?

GroenlandDans une langue simple, concrète, Pauline Sales égrène les pensées à foison, les fantasmes, les peurs d’une trentenaire qui veut aller où on ne l’attend pas, être celle que les autres ne soupçonnent pas.
Florie Abras nous tient en haleine, souvent au bord du drame, parfois avec drôlerie, dans une interprétation magnifiquement orchestrée par Anna Delbos-Zamore.
Un très beau passage du noir au blanc.

J’ai bien fait
Dans J’ai bien fait, on s’imagine au début retrouver le jeu de massacre familial d’une de ses pièces précédentes, Les arrangements (2008), mais cette fois, les personnages, au lieu de se détruire les uns les autres, semblent s’effondrer tout seuls, à l’image de cette Valentine, professeur de collège de quarante ans, qui pense avoir échoué en tout.
Elle s’invite chez son frère Paul, contraire d’elle, de son sens exacerbé des responsabilités, de son insatisfaction permanente.

Elle apporte chez lui une énigme qui rebondira jusqu’à la fin, dans une tension dramatique entrecoupée d’humour féroce.
Le plateau, jonché de traversins, œuvre de Paul, semble l’écho de l’endormissement du monde occidental sur ses idéaux, ses grands principes, face aux tragédies contemporaines.
j_ai_bien_fait_PS
Le mari de Valentine, Sven, chercheur en ADN ancien, amène, en contrepoint narratif, une dissection clinique de leurs relations. Il la regarde tomber comme on étudie un cobaye enfermé dans un piège.

Valentine retrouve chez son frère, Manhattan, une ancienne élève très douée, mais qui a toujours pratiqué l’évitement de toute réussite. Manhattan représente pour Valentine l’impossibilité d’accomplir pleinement sa vocation.

Cette pièce constamment pertinente et insolente est magnifiquement interprétée par des comédiens qui nous emmènent dans leurs angoisses en s’appuyant sur nos propres failles.

Deux grandes expériences théâtrales à ne pas manquer.

J’ai bien fait ? Texte et mise en scène : Pauline Sales éd. Les Solitaires Intempestifs / Avec Gauthier Baillot, Olivia Chatain, Anthony Poupard, Hélène Viviès / Scénographie : Marc Lainé, Stephan Zimmerli
Festival d’Avignon off 2017 au 11 Gilgamesh Belleville

Le Groenland, texte de Pauline Sales éd. Les Solitaires Intempestifs, mis en scène par Anna Delbos-Zamore et interprété par Florie Abras
Festival d’Avignon off 2017 à l’Artéphile

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