Une pièce intimiste de portée universelle

Copies, de Caryl Churchill (A number, 2002)

Seule la fiction d’anticipation peut imaginer les conséquences psychiques d’un clonage humain. Ce texte de Caryl Churchill s’impose donc d’abord comme une nécessité, puis comme une réussite littéraire.

Un père, un fils. Le fils découvre à sa majorité qu’il a été cloné. Le père est surpris, fuyant. A-t-il donné son accord ? Le père annonce ses vérités une à une, avec une bonhomie imprégnée de lâcheté. Le fils questionne encore. Chaque réponse en soulève d’autres, toujours plus lourdes de conséquences. Est-il l’original, ou une copie ? Combien y a-t-il de copies ? S’il est une copie, qui est l’original ? S’il est une copie, l’original est-il son père biologique ?copies

L’écriture économe rappelle Edward Bond, la puissante émotionnelle de ses non-dits, de ses tâtonnements. Les personnages font penser aux êtres hébétés du Meilleur des mondes d’Aldous Huxley. Mais contrairement à ces deux références, Caryl Churchill ne s’embarrasse pas du contexte. Ici, tout est centré sur les relations entre les personnages.
Le rythme juste du texte et de la mise en scène de Monique Hervouët laissent le spectateur s’emparer de chaque question, l’explorer intimement.
La pièce dépasse les enjeux du clonage humain et conduit à nous interroger sur nous-mêmes : Comment être un bon père ? Qu’est-ce qui doit nous distinguer des autres ? Qu’est-ce que nous empruntons aux autres ? Notre héritage biologique influence-t-il notre vie, nous lègue-t-il une part de souffrance ou de joie ?

Le fils rencontre l’autre fils, celui que le père voulait remplacer, celui que le père voulait « en mieux ». La cruauté prend un visage. Le comédien Aurélien Tourte interprète les différents fils avec une habile variation de jeu. Lui et le père (Didier Royant), pleinement dans leurs personnages, tendent parfaitement le ressort dramatique devant des spectateurs captivés.

Dans la dernière scène, la quête de soi des fils se transforme en quête de filiation du père.
D’autres questions sont posées par cette fin moins dramatique, mais combien plus effrayante.
Cette pièce fait parti de ces représentations qu’on garde longtemps en soi, dont le souvenir ne finit jamais de nous interroger.

Vue au Grenier à sel, Avignon, en juillet 2013

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